CARTON ROUGE CONTRE LA
MISE AUX ENCHERES DE LA POLYCLINQUE « ALLAMA » , LA PHARMACIE DU CAMP ET LES
DOMICILES DE LA FAMILLE HAMAHADY
A la liste des événements honteux qui font l’actualité de
notre cher Mali, vous pouvez ajouter que la Polyclinique “ALLAMA”, la Pharmacie du
Camp et les domiciles des familles
victimes, après avoir été pillés et
saccagés, à Kati, tout est sur le point d’être mis aux enchères.
Est-ce la fin de cet épisode ou faut-il s’attendre à
d’autres surprises éhontées ?
Tout le Mali, voire le monde entier (via les médias), se rappelle encore les tristes
évènements survenus à Kati le 31 Janvier et 1er février 2012. Les plus citoyens
(au sens strict du terme) des Maliens de Kati ont été sauvés manu-militari par
une « unité spéciale », formée et conduite par un officier de l’Armée de terre qui contrevenait à
tous les ordres reçus d’en haut,
de laisser faire les pillages et massacres à Kati. Comme on le dit « Seul le
Tout Puissant choisit le jour de chacun ». Des heures durant, cette unité spéciale, habillée en civil, s’est évertuée à mettre en œuvre une stratégie pour exfiltrer le Professeur Abdoulaye Ag Rhaly
(tenant du prix honoris causa), la femme du Dr Elmehdy, son fils aîné et sa
sœur aînée, quatre
âmes innocentes prises au piège, et cachées dans
les locaux de la Polyclinique. Au même moment, d’autres membres de la famille
se débattaient, à des kilomètres de là, pour échapper soit à la colère d’une
population enragée, soit à la haine d’un groupe manipulé au point d’avoir tenté
de brûler des enfants vifs. Il s’agissait notamment de la famille d’Ibrahim Ag
Youssouf, dont l’épouse avait été Ministre du Tourisme, de la femme et des
enfants du Dr Aboubacrine Assadek Ag Hamahady qui fuyaient Bamako
pour chercher refuge à Kati, de la famille de l’officier de l’intendance
militaire Aboubacrine logée dans les résidences réservées aux officiers à Kati,
et de celle de
Koko, leur défunt frère de
Kati, ainsi que d’autres familles proches.
Constatant que l’une des familles Touareg les plus intègres du Mali était victime de
tels actes, sans que protection et secours officiels ne leur soient portés, Touaregs et
Arabes vivant au sud du Mali sentirent que plus rien ne leur permettait de
croire que le Mali les reconnaissait encore comme ses fils, dignes citoyens de
la Nation. Cette
évidence poussa tous les Touareg à
s’exiler, y compris les chefs coutumiers (dont Mohamed Elmehdi Ag
Attaher Aménokal des kels ansar) et les leaders politiques et traditionnels (Ahmed
Mohamed Ag Hamani ; Aly Ag Mohamed ; la famille Hamaya… etc.).
Ces familles victimes, ces
familles de Kati, ont en commun leur
intégrité, leur bonne foi et leur génie, symbole de leur distinction. En
creusant dans nos enquêtes chez leurs voisins depuis plus de 30 ans, nous leur avons
découvert plus d’une vertu, et avons pu vérifier
que leur totem avait toujours été de rester sans couleur politique ou couleur «
rebelle ». Leur vrai et seul combat résidait dans l’affirmation de soi, via l’esprit d’entreprenariat, comme le prouvent encore
leurs édifices saccagés, leurs domaines expropriés et leur entreprise ETAUR
abandonnée. Et pourtant, à leur place, beaucoup
auraient nourri amertume et rancœur à l’égard de l’Etat. En effet, leur père Feu Hamahady Ag Hatabaly,
instituteur de profession, enseignant et
fondateur de plusieurs écoles au Mali, fut arrêté et séquestré par le régime colonial car il avait osé préserver sa dignité face à un inspecteur français qui
tentait de l’humilier devant ses élèves. Ce
flambeau d’injustice fut transmis en héritage au
régime de Modibo Keïta, puis du Général Moussa Traoré. Après un long séjour
dans les plus grandes prisons nationales,
l’instituteur fut transféré au
centre psychiatrique du Point-G où il subit à
nouveau des séquences de tortures qui eurent finalement raison de son intégrité physique et psychologique. C’est
affolé et affaibli qu’il fut rendu à ses fils, des décennies plus tard.
Dans nos enquêtes, nous avons aussi appris que la Pharmacie n’en était
pas à son premier saccage. Lors des évènements de 1990, un groupe de militaires et
de badauds s’en étaient déjà pris aux
locaux. Si les élèves
militaires du Prytanée Militaire de Kati n’étaient pas intervenus, il n’en
serait rien resté que des cendres. Nous avons
aussi appris qu’à la même époque, dans la région de Gao, tout le village d’Ibrahim Ag Youssouf avait été
rayé de la carte, et ses habitants, rayés
de la surface de la terre, dans ce qu’il est coutume d’appeler les massacres du village des « Kel Essouk ». A Macina, sa femme a vu ses frères massacrés par l’armée. Mais rien de tout ceci n’a jamais
ébranlé leur intégrité et leur citoyenneté.
Jamais ils ne s’en sont plaints. Jamais
ils ne se sont révoltés. Si les bavures de l’Etat malien en 1990
avaient été pénalement réparées, il
est évident que celles de 2012 ne se seraient pas produites. L’impunité ne peut mener qu’à la répétition des
crimes.
Dès le lendemain des évènements
perpétrés à Kati, fin janvier début février 2012, les démarches par voies et moyens démocratiques
et pacifiques ont été enclenchées. Le régime
d’ATT n’y a accordé aucun intérêt, fidèle à la passivité active dont il avait
fait montre, lorsqu’il s’était agi de sauver ces vies ces jours-là, et qu’il
avait ordonné aux autorités des forces de l’ordre de ne pas s’interposer. Après
le 22 mars, la junte, qui n’avait aucune légitimité, ne fut pas saisie. La transition de Dioncounda Traoré accorda encore moins d’intérêt à cette affaire que le
régime précédent.
Tout l’espoir désormais
reposait sur la promesse faite par IBK d’apporter « changement ».
De quel changement s’agit-il ?
Plusieurs entretiens ont été organisés, plusieurs appels ont été lancés au régime actuel pour enrayer le
processus bancaire afin d’introduire l’affaire auprès des autorités compétentes,
pour que justice soit rendue à ces
personnes, comme tout citoyen d’une nation est en droit de l’attendre. Or, ils
sont traînés en justice comme des individus insolvables, alors qu’ils ont été
mis en danger de mort et leurs biens saccagés, parce que l’Etat n’a pas fait
son devoir régalien de protection de ses citoyens, ce qui d’ailleurs a mis tout
le pays à genoux, peu de temps après. Nonobstant la force majeure qui
devrait être de mise en pareilles circonstance, Une banque de la place, dans un
élan Aussi machiavélique que cynique, n’hésite pas a réclamer des mensualités
d’un en-cours. Comment Tenir ses engagements quand le fruit de dizaines d'années
de labeur est transformé en cendres en quelques heures? Assurément, cette
banque tire sur l'ambulance. Le pire, c'est le silence assourdissant et
coupable du pouvoir public car les événements de Kati Sont connus et reconnus
comme consécutifs à la crise qui embrasa le nord du pays en janvier 2012. L’Etat malien doit le reconnaître et imposer sa
volonté au rouleau compresseur bancaire qui décide de vendre aux enchères les
biens de cette famille. L’Etat doit
leur attribuer une « réparation». L’Etat doit restituer leurs droits à ses dignes
fils du Mali, et leur notifier officiellement leur statut de citoyens maliens,
afin que, comme tout individu résidant sur le territoire, ils aient le droit de
jouir de leurs biens.
Le combat de ces familles
Touareg de Kati n’est ni le combat des groupes armés, ni celui de la
Minusma. Il est le combat de tous les Maliens. L’ignorer déstabilisera à nouveau le
système, car aucun Malien, épris de paix, de justice et d’égalité pour tous, ne
cautionnera une énième bavure de la part d’aucun régime, IBKiste soit-il.
Si la voie vers la
restauration de l’intégrité territoriale est
construite sur la discrimination des uns
au profit des autres bandits, c’est assurer
la gangrène au mal dont souffrent déjà les
Maliens.
Bamako, le 21 février 2014.
Dr ASSADEK Aboubacrine, Enseignant-Chercheur
Au DER de maths-info FST-USTTB-Bamako-Mali.
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